Même si on essaie souvent de nous faire croire que “l’enfant est au centre du système”, éducatif notamment, je dis souvent qu’il en est en réalité très loin. Et je suis souvent abasourdi de constater que dans notre société, ce n’est pas l’enfant que l’on met en valeur mais la perception idéalisée que l’on a de lui: on lui fait faire ce qu’on veut qu’il fasse, et on lui apprend tel qu’on a envie qu’il apprenne. Ainsi, dans une société qui ne le comprend pas, il est primordial d’apprendre à respecter son enfant.
Une anecdote particulièrement révélatrice dans mon entourage illustre parfaitement cette idée selon laquelle notre société ne comprend pas les enfants. Suivant l’exemple de sa maman qui a pratiqué la danse classique pendant de nombreuses années, ma nièce et filleule de 4 ans rêve d’être danseuse étoile. Ni une ni deux, ses parents l’inscrivent à un cours de danse pour bouts de chou de son âge afin qu’elle puisse s’initier à cette activité. Or ma filleule, dans son imaginaire de la danse, il y a certes les mouvements, mais il y a aussi les beaux tutus, ceux qu’elle a l’habitude de voir à la télé ou sur les livres. Or pendant le premier cours de danse, il est nul question de tutu ou de beaux vêtements de danseuse; au contraire, l’apprentissage commence avec les mouvements de base, sans grande saveur. Si bien qu’après un cours ou deux, ma filleule ne veut plus retourner à la danse. Déçue, cela ne l’intéresse plus…
Selon moi, cette anecdote montre parfaitement du doigt l’hypocrisie d’une société qui ne respecte pas l’imaginaire des enfants. Portés par leurs rêves, nous ne leur offrons que des carcans, des moules dans lesquels ils doivent s’insérer très tôt, sans dépasser. Le tutu, ce sera en fin d’année pour le gala (si tu fais bien tout ce qu’on te dit).
Cette vision des choses, que la plupart d’entre nous avons aussi vécue dans notre enfance, consiste à axer le développement des enfants sur les leviers que sont la discipline et le conformisme plutôt que sur l’enthousiasme sans limite qu’ils peuvent avoir pour un sujet ou un autre, et grâce auxquels ils peuvent déjà accomplir, même très jeunes, des miracles.
Si, comme moi, vous avez envie de privilégier cette dernière approche en ce qui concerne l’épanouissement et le développement de vos enfants, voici trois idées qui vous aideront à comprendre et respecter vos enfants dans leur parcours singuliers.
Respecter son enfant, c’est le laisser choisir
Dans une société où les programmes scolaires sont déjà définis de manière fixes pour tous les enfants, les laisser choisir leurs propres centres d’intérêt est déjà un grand pas en avant: ce sur quoi ils voudront passer le temps extra-scolaire, dépenser leur énergie débordante, focaliser leur attention, et surtout y consacrer toute les facultés de leurs cerveaux extraordinaire capable d’absorber quoi que ce soit.
Les laisser choisir est primordial car c’est déjà donner l’opportunité aux enfants de donner le meilleur d’eux-mêmes, de consacrer leurs actifs personnels que sont leur énergie, leur temps et leur attention sur des sujets qui leur font plaisir. Les laisser choisir, c’est pour le parent un acte d’humilité, celui d’être à l’écoute de son enfant et savoir lui faire confiance, tout en renonçant à certains de nos désirs pour lui, certes bienveillants mais un peu égoïstes. Enfin les laisser choisir, c’est leur permettre de prendre conscience de leur liberté en l’exerçant, et ainsi d’en mesurer progressivement les implications (choisir c’est assumer ses choix) mais aussi la douceur.
Comment faire pour les laisser choisir? Tout d’abord faire un choix suppose que l’enfant a à disposition un panel d’options disponibles. Et pour cela il faut lui donner le loisir d’expérimenter différentes activités et de découvrir la beauté des choses. Il faut sortir de chez soi, montrer des choses diverses à son enfant et lui permettre d’y confronter ses sens. Ensuite, laisser l’enfant choisir implique d’être très clair en tant que parents sur le cadre d’exercice de ce choix : si notre enfant fait le choix d’un sport dangereux, est-ce parce qu’il est réellement dangereux, ou est-ce que l’on projette juste nos propres peurs sur notre enfant? Ou alors peut-être que l’activité en question n’est pas possible aux alentours du lieu de vie, ce qui rend impossible sa pratique régulière. Etre clair sur le cadre d’exercice de ce choix peut peut-être éviter des déconvenues, et c’est aussi une manière de respecter son enfant.
Attention, laisser l’enfant choisir ne veut bien entendu pas dire céder à tous ses caprices!
Respecter son enfant, c’est respecter son imaginaire
Deuxième piste pour respecter son enfant dans une société qui ne cherche pas à les comprendre, c’est de respecter leur imaginaire… d’enfant. Oui un enfant s’émerveille de tout, et la capacité de mon fils encore bébé à concentrer toute son attention sur le moindre objet, la moindre lumière ou le moindre son me le rappelle quotidiennement. Or ces nombreuses sources d’émerveillement sont autant d’objets qui vont composer l’imaginaire de nos enfants, et cet imaginaire va nourrir leur propre représentation du monde.
Respecter cet imaginaire enfantin, c’est cultiver en eux l’enthousiasme et l’émerveillement que la vie se charge elle-même d’éroder au fil du temps (ou pas!), et ainsi leur permettre de chercher puis trouver un sens à leur vie. A l’inverse, ne pas respecter cet imaginaire, c’est aliéner les représentations enfantines d’un nihilisme destructeur et inhibiteur, source d’insatisfaction permanente et de manque d’estime de soi. Et en cela l’exemple de ma filleule et de son cours de danse est saisissant.
Respecter l’imaginaire de son enfant, c’est avant tout de ne pas relativiser l’importance des choses qui sont sérieuses pour lui mais qui peuvent sembler triviales pour nous : un jeu, une histoire, un sujet de conversation etc. C’est prendre ses questionnements au sérieux, et lui répondre sérieusement; c’est l’accompagner pour vivre les choses de la vie à fond, comme lui permettre de porter un tutu pour ses premiers cours de danse (par exemple…) Bref c’est lui permettre de se projeter lui-même dans ses propres représentations sans lui faire comprendre que celles-ci ne valent pas celles d’un adulte.
Attention, là encore ne caricaturons pas – respecter l’imaginaire de son enfant ne signifie pas que le parent doit devenir le “copain” de son enfant ou faire semblant d’avoir des représentations d’enfant.
Respecter son enfant, c’est lui permettre d’apprendre
Enfin, respecter son enfant, c’est partir du principe qu’il faut non pas leur enseigner les choses de la vie, mais lui permettre d’apprendre, de les découvrir. Tel un petit scientifique, il doit explorer le monde qui l’entoure, tester les choses et les phénomènes (si je pousse ma tartine de la table elle va tomber par terre..) et absorber ce qu’il y a à apprendre, plutôt que d’essayer de marteler dans sa tête à coups d’enseignements ennuyeux ce qu’on a décidé pour lui.
Pourquoi est-ce important? Evidemment nous savons tous que l’apprentissage est au coeur du développement de l’homme, et qu’il est essentiel pour son épanouissement en tant qu’être humain. Or, permettre à l’enfant d’apprendre plutôt que de lui enseigner, c’est lui donner les clés de réussir toutes ses entreprises de la vie, le bagage dont il aura besoin pour exercer pleinement sa liberté et aller au bout de ses choix, plutôt que de se confirmer à ce qu’on attend de lui.
Ici, le rôle du parent, c’est de susciter l’intérêt, c’est de montrer à son enfant ce qui existe, la diversité des choses, des activités et des expériences, afin de le mettre dans les meilleures dispositions d’apprentissage. Aussi, le parent doit nourrir son enfant, lui donner la possibilité d’aller plus loin, répondre à ses questionnements et lui donner la matière pour en générer d’autres. Le parent doit laisser l’enfant être l’acteur de son apprentissage, et celui-ci apprendra beaucoup plus et beaucoup plus vite que dans n’importe quel modèle d’enseignement.
Ici, la clé pour le parent est de savoir répondre aux ‘demandes’ de son enfant – car l’enfant est toujours avide de découvertes (même triviales!), de nouveauté, même si parfois nous ne nous en rendons pas compte. J’ai notamment été fasciné par l’anecdote raconté par André Stern dans le documentaire “Being and becoming”, qui raconte qu’un jour son père l’a emmené au planetarium lorsqu’il était jeune. Et lui, au lieu de s’intéresser au ciel, s’est passionné pour la technologie utilisée pour projeter toutes ces images sur le plafond voûté. Ainsi, cette sortie au planetarium a été pour lui l’occasion d’une découverte absolument passionnante et tout autant inattendue. Et ce qui compte, c’est de sortir, d’aller découvrir les choses, afin que notre enfant aussi y trouve son compte.
Et pour finir…
Voilà, je vous ai donné quelques pistes afin d’apprendre à respecter son enfant en tant que personne dans une société où, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire, il ne sera pas au centre, et très souvent ce qu’on attendra de lui est qu’il se conforme, aux autres et aux attentes qu’on a de lui.
Ces conseils formulés sont à vrai dire autant le fruit de mes recherches que mes aspirations, étant donné que mon fils est encore trop jeune pour que je les expérimente. Néanmoins, le respect de nos enfants est un voeu que ma femme et moi avons formulé dans notre “charte de vie”, que nous avons écrite ensemble avant même de désirer un enfant.
Et maintenant que bébé E. est avec nous aujourd’hui, je ressens ce besoin plus que jamais de faire en sorte qu’il puisse voler de ses propres ailes, celle de sa liberté et non celles du conformisme…
Je suis conscient qu’il est facile d’avoir de voeux pieux quand on a des enfants, sur comment on sera et ce qu’on fera, mais je pense sincèrement qu’il est primordial de savoir là où on veut aller en terme d’éducation, et surtout d’avoir à l‘esprit une idée claire de ce que ‘respecter son enfant’ signifie.
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