S’il y a bien une question que tous les papas se posent, il s’agit bien de celle-ci : puis-je être un papa parfait?
Lorsque nous entrons dans la paternité, généralement soit vers la fin de notre vingtaine ou le début de notre trentaine, beaucoup de modèles se mélangent dans notre tête : celui de notre propre père, évidemment, ou encore celui de nos grands-pères, voire de nos arrière-grands pères que l’on connaît grâce aux récits de nos parents et grands parents. Plus proches, il y a aussi le modèle de nos oncles, ainsi que des papas de nos amis et camarades de classe côtoyés pendant de nombreuses années. Et puis bien sûr il y a le modèle de tous ces papas fictifs que l’on trouve dans les films que l’on voit, les livres que l’on vit, et qui nous paraissent bien vivants le plus souvent.
Parmi tous ces modèles, y en a-t-il un qui soit le modèle parfait du papa? La question est en fait plus compliquée qu’elle n’y paraît, car elle en pose en réalité la question de l’unicité d’un modèle souhaitable: être papa, est-ce se conformer, ou c’est justement réussir à être soi-même?
Pour nous aider à répondre à cette question fondamentale, je fais appel à ce papa au destin tragique qui a marqué et inspiré des générations entières d’enfants : Mufasa (du Roi Lion)
Le père parfait en apparence
Pourquoi est-ce que Mufasa m’intéresse pour parler du père parfait? Parce qu’il en a justement toutes les caractéristiques, du moins en apparence. Imaginez franchement: le film dure 1h30, et Mufasa n’y est vivant que pendant à peine 45 minutes (et encore). Et pendant ce temps là, il n’est même pas le personnage principal puisqu’on y suit les péripéties de son fils Simba. Et pourtant, en aussi peu de temps, il arrive à incarner le père idéal de générations entières de spectateurs du Roi Lion : aussi bien le père qu’on voudrait avoir (en plus être roi ça a un peu la classe quand même) que celui auquel on voudrait ressembler (et puis bon c’est un lion quand même, pas une antilope ou quelque chose qui se fait manger en moins de deux).
Mais me direz-vous : Pourquoi Mufasa incarne-t-il la figure du père parfait, et comment est-ce que cela se matérialise. Pour cela, plusieurs éléments:
1/ Il est un roi respecté – qui n’a jamais rêvé d’être le fils d’un roi? L’image du roi est l’aboutissement de la figure du papa comme étant “le plus fort”, si chère aux petits garçons. De plus, Mufasa est aimé et respecté de tous (sauf de son frère évidemment), ce qui le rend d’autant plus admirable aux yeux de son fils et des spectateurs, d’autant plus que son aura est portée par un charisme naturel
2/ Il tire son fils vers le haut – Mufasa, c’est le papa qui partage ses considérations philosophiques avec son fils encore tout jeune, que ce soit au sujet du cycle de la vie ou sur le sens d’être roi. C’est un papa qui prend au sérieux les questions de son fils sans le rabaisser à sa condition d’enfant par des “tu comprendras plus tard”, et manifeste sa colère par de la déception, et non par des accès colériques improductifs.
3/ Il cultive un savant mélange de force et de fragilité – Il donne, jusqu’à sa mort, le sentiment d’être le papa invincible dont on a tous rêvé petit garçon. Pour preuve, on se souvient tous de la très belle image de Simba voulant comparer la taille de sa petite patte à l’empreinte géante laissée par celle de son père, réalisant ainsi qu’il lui reste un long chemin à parcourir avant d’en arriver au même niveau. Mais ce qui rend Mufasa encore plus attachant, c’est sa capacité à montrer sa fragilité : oui, même un roi peut avoir peur, constat qui sera une profonde révolution pour Simba et marquera la réconciliation entre le père et son fils après les événements du cimetière des éléphants.
Un roi à succès, respecté de tous, qui prend du temps pour des conversations avec son fils, et qui partage avec lui ses forces et ses faiblesses, voilà le cocktail gagnant de ‘Papa Mufasa’ qui a inspiré tant de générations de garçons. D’ailleurs, dans la premier tiers du film, cette idylle père-fils paraît tellement invincible qu’elle a raison du premier plan machiavélique de Scar, obligeant celui-ci à passer à l’étape suivante.
Mais une profonde naïveté qui court sa perte
Mais bon si vous avez bien lu le titre de la première partie, j’ai affirmé que Mufasa était le père parfait en apparence. Et oui, parce que bon, quand on regarde bien les choses objectivement, Mufasa il n’a quand même pas un bilan de papa très réjouissant, étant donné que sa naïveté (qui confine un peu à la faute professionnelle, voire à l’irresponsabilité) vis à vis de son frère le méchant Scar va naturellement courir à sa perte et presque à celle de son fils Simba si cela ne s’était joué à quelques coups de chance lors de passage du troupeau de gnous ou de la course / poursuite avec les hyènes.
Quand on prend du recul, on se rend compte que Mufasa a largement sa part de responsabilité dans tous les événements malheureux qui arrivent : son frère boycotte la cérémonie de naissance de Simba, flirte avec les hyènes, provoque le roi ouvertement, encourage son fils à sortir du royaume etc. Et lui il laisse son fils Simba se balader avec un voyou pareil dans le ravin sous prétexte qu’il veut lui faire “une surprise”.
Quelle naïveté – Il est évident que Mufasa, s’il avait été vraiment lucide et “parfait”, se serait, en bon roi, débarrassé de Scar il y a bien longtemps afin d’assurer à son royaume paix, stabilité et prospérité, étant donné que ce ne sont pas les hyènes seules qui seraient capable de menacer quoi que ce soit.
Bref, Mufasa est un eu en quelques sortes le Ned Stark du Roi Lion!
Les errements de Mufasa et son entêtement à ne pas voir le danger émanant de Scar est clairement et directement lié à sa propre chute et au renversement de son royaume. Sa naïveté est d’ailleurs portée au grand jour lorsqu’en train d’escalader la falaise du ravin, il supplie son frère de l’aider (alors que bon même moi à 7 ans j’avais compris ce qui allait se passer).
La mort de Mufasa laisse Simba plein de regrets (il croit qu’elle est de son propre fait), et celui-ci serait certainement mort de chagrin (et de faim et et de soif) dans le désert s’il n’avait pas rencontré Timon et Pumba à ce moment du film. Mais si on peut difficilement en vouloir à Mufasa pour sa propre mort, on peut davantage montrer du doigt les défaillances de son ‘éducation’, étant donné que le départ de Simba met au grand jour son manque de préparation à affronter les événements de la vie.
En fait le modèle d’éducation de Mufasa s’est essentiellement concentré à conditionner Simba à son rôle de futur roi, il ne l’a pas armé à faire face à la contingence des événements et à en faire… un homme libre (ou plutôt un lion libre!). Et pour cela, il lui faudra découvrir une autre philosophie, même l’extrême opposé de ce qu’il avait connu jusqu’à présent : “Hakuna Matata”, qui lui permettra de ne pas s’enfermer dans la culpabilité et de vivre l’instant présent jusqu’à ce qu’il devienne un lion adulte et accompli prêt à renouer avec son destin de roi.
Le papa inspirant qui sait qui il est, et qui sait où il va
Alors malgré ses erreurs manifestes, pourquoi est-ce que Mufasa a marqué et inspirant tant de papas et futurs papas? (en fait, poser la question c’est y répondre) : tout simplement, non pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il est inspirant justement, et inspirant dans son rôle de papa-roi.
Mufasa, c’est le roi, qui croit dans son rôle de roi, et son comportement en tant que roi et papa est en phase cette idée de roi à laquelle y croit. Un roi a des devoirs, donc il assume ces devoirs ; un roi doit être sage, donc il est sage. Juste? etc. Mufasa nous inspire et inspure Simba car il incarne justement cette cohérence entre la grandeur de sa fonction et la justesse de son comportement. Cette incarnation est d’autant plus criante que Scar, une fois roi, n’arrive jamais à entrer dans le rôle, ce qui fait que le royaume part en décrépitude : les troupeaux sont partis, les paysages se dégradent etc. La différence, c’est que Mufasa est roi par le “être”, alors que Scar est roi par l’”avoir”. Or n’inspire-t-on pas ses enfants par ce qu’on est, qui on est, et donc ce qu’on fait, plutôt que par ce qu’on a? (je vous laisse réfléchir là-dessus)
C’est d’ailleurs là que se trouve toute la morale du Roi Lion selon moi (au delà du fait qu’il vaut mieux être gentil que méchant): c’est parce que Simba était inspiré par son père qu’il a décidé de renouer avec sa destinée de roi et d’affronter son oncle Scar, et ce au détriment de sa vie baba cool, hédoniste et carpe diem dans l’oasis avec Timon et Pumba (Hakuna Matata hein).
Tu m’as oublié. Tu m’as oublié en oubliant qui tu étais. Regarde en toi Simba. Tu vaux mieux que ce que tu es devenu. Il te faut reprendre ta place dans le cycle de la vie. N’oublie pas qui tu es, tu es mon fils et c’est toi le roi. N’oublie pas qui tu es, n’oublie pas, n’oublie pas.
Inutile de dire que si Simba n’avait pas été inspiré par le modèle paternel, il aurait certainement préféré rester dans son oasis à manger des insectes et faire des rots que de prendre le risque de libérer tous les Zazou et compagnie. Bon on pourrait aussi parler du rôle des femmes (ou plutôt d’une femme), qui souvent peuvent changer un homme, mais ceci est une autre histoire!
En Conclusion:
Finalement, ce que nous apprend Mufasa sur le papa parfait, c’est que:
1/ Le papa parfait est celui qui cherche non pas la perfection, mais à incarner pleinement qui il est et la voie qu’il a choisie.
2/ C’est cette cohérence, et cette capacité à aller au bout de ses croyances, et à les partager avec ses enfants, qui devient une source d’inspiration pour son fils.
3/ Ainsi, la bonne nouvelle que nous apprend Mufasa, c’est qu’au fond tous les papas portent en eux leur propre perfection, et il n’appartient qu’à eux de la réaliser en l’incarnant.
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Selon moi, la perfection n’existe pas. Cependant, les pères peuvent se montrer à la hauteur en étant des guides pour leurs enfants. Ainsi, ils aideront les petits à être autonomes et les inspireront pour qu’ils aient confiance en eux.
A+
Hello. Effectivement, on est convaincu que le papa parfait n’existe pas ! Faisons le max et surtout, sachons reconnaitre nos erreurs, en toute humilité !!
Je découvre votre blog avec cet article. J’aime beaucoup votre vision. Je n’avais jamais vu Mufasa comme autre chose qu’un gros lion de dessin animé 🙂
Il y a pleins de bonnes choses à prendre dans votre analyse !
Merci de ton commentaire ! Quels sont les points les plus intéressants selon toi ?