Nous avions déjà évoqué dans un premier article la difficulté (mais aussi la nécessité vitale !) de faire face à tous les conseils qu’on nous donne au moment où on devient père. L’idée est maintenant d’aborder la pression sociale qui existe et nous pousse à être le meilleur papa. Comme si la paternité était une compétition à gagner absolument pour briller en société… Et ce, d’autant plus que cette pression prend souvent la forme d’injonctions contradictoires à rendre Gollum schizophrène… Bref, petit aperçu non exhaustif (et forcément subjectif) de ces injonctions qu’on pourrait presque qualifier de paternalistes !
NDLR : pas de méprise, le but de mon article n’est pas de faire pleurer dans les chaumières sur la pression subie par les hommes par rapport aux femmes. J’ai tout à fait conscience que dans notre société post moderne lisse (fade ?) comme une pomme de supermarché, la pression sur les femmes est toujours immense, avec la nécessité d’être jolies / sportives / mamans fantastiques / wonder women au boulot / cordons bleu en cuisine etc. Et que les déséquilibres ancestraux persistent sur l’implication de chacun au foyer. Néanmoins, je pense qu’il est intéressant de constater que les hommes aussi, et particulièrement les papas, subissent le même type d’injonctions sociales, à grands renforts d’articles de magazines.
Le culte du corps : « sois musclé » vs « dad bod style »
Commençons notre tour d’horizon par cette espèce d’obsession de notre société pour le corps (quand bien même on continue à nous faire ingurgiter tout un tas de produits plus ou moins cancérigènes / perturbateurs etc. dans tous nos aliments, mais passons..). D’un côté, pas une semaine ne passe sans que je tombe sur un article, un reportage… voire un collègue qui ne parle séance de muscu ou session de running. Le papa postmoderne doit « crossfitter » pour faire bien en soirée ou connaitre les nouveaux T shirts pour fairie son jogging (ah bon, faut un T Shirt spécial pour courir ? et quoi, c’est has been de dire « faire son jogging ? ») . Bref, si à 40 ans et 2 enfants t’as pas fait ton marathon, t’a raté ta vie.
Et en même temps… (comme dirait notre président)
Avez-vous entendu parlé du « dad bod style ». Bon, le pic de la tendance était en 2015, donc depuis, de l’eau a certainement coulé sous le ponts. Mais quand j’ai lu les premiers articles sur le sujet, j’ai effectivement trouvé qu’on touchait là à l’absurdité du système. Pour ceux qui ne connaissent pas le délire, cette tendance tend à valoriser les hommes avec des poignées d’amour, qui deviendraient d’un coup hyper séduisants car (au choix) : permettant de se déculpabiliser quand on a envie de se goinfrer à l’apéro / donnant l’image du gentil papa Saint Bernard pas très véloce mais hyper tendre / offrant la possibilité d’avoir une image de soi améliorée puisqu’au fond « il y a toujours plus faible que soi dans la capacité à avoir de la volonté »…. Bref, on est ici dans une nouvelle forme de culte du corps, celle du renoncement face à celle du « sois musclé » qui se heurte souvent à la réalité du temps disponible pour les jeunes parents.
De mon côté, entre les 2 mon cœur balance. Outre le fait que je déteste que ce soit les magazines ou la société qui me dicte mon comportement, je souscris assez peu aux injonctions extrêmes sur ce qui est, au fond, un domaine de l’ordre de l’intime. Et si je suis convaincu que faire du sport est crucial pour un bon équilibre personnel, je trouve que l’obsession pour la performance, la mesure chiffrée, le suivi analytique est une dérive qui éloigne du plaisir que l’on doit prendre à l’exercice physique. Ce qui ne doit pour autant pas justifier la facilité qui consiste à ne rien faire en disant que les « abdos bière », c’est aussi bien.
En outre, en tant que papa, nous ne devons jamais oublier que sur ce plan là aussi, nous faisons office de modèle pour nos enfants. Alors tâchons de leur donner ce qui est pour moi le bon exemple : celui de la mesure entre violence et bienveillance trop extrême pour son corps.
La vie professionnelle : « vis ta carrière à fond » vs « prends une année sabbatique pour être père au foyer »
Autre illustration de ces injonctions contradictoires aux papas : l’impossible compromis à trouver entre vie pro et vie perso. Les journaux débordent d’articles et d’avis d’experts sur le sujet. Et, comme pour le sport évoqué au dessus, on balance souvent entre les positions assez fantaisistes. D’un côté, pour rester un bon soldat du système, on nous sort Maslow, sa pyramide, l’accomplissement de soi, et forcément, le travail y trouve sa place au sommet. Donc forcément, pour se sentir bien, il faudrait vivre sa carrière à fond… évidemment en étant un bon papa qui consacre du temps à sa famille. Mais les journées se bornant à ne durer (toujours) que 24h (sur ce point, on a tout essayé, on n’a toujours pas réussi à bouger cette contrainte…), difficile de tout concilier. On a donc inventé le concept de « temps qualitatif » avec nos enfants, pour tenter de justifier que les 20 minutes qu’on réussit à leur consacrer le soir, entre 2 mail pros, était suffisamment bien pour être suffisants. Tout en sachant au fond de nous que nos enfants désirent avant toute chose du temps à nos côtés, à regarder les nuages ou à compter les coccinelles dans le jardin.
En parallèle, on voit émerger une tendance « opposée » qui pousse de plus en plus de pères à prendre un congé parental, voire à devenir père au foyer. Une manière de promouvoir l’égalité hommes / femmes en faisant en sorte que les mamans ne soient pas quasi systématiquement contraintes à prendre « le » temps partiel ou le congé parental du foyer. Sur le fond, je n’ai aucun problème avec cette idée. Dans les faits, c’est là que ça coince à mon sens. Déjà car il faudrait que les mentalités des boîtes changent. J’imagine l’œil mi énervé mi amusé de mon boss devant ma demande de 4/5ème pour m’occuper de mes enfants… En outre, je me pose la question suivante : est-ce vraiment quelque chose auquel les papas aspirent vraiment ? De mon côté, et je parle uniquement pour moi, si j’aimerais effectivement passer plus de temps avec mes enfants, je ne voudrais pas poser un congé un parental, ou devenir père au foyer, même pour un temps. Et ce ne sont pas toutes les incitations fiscales ou financières possibles qui me feraient changer d’avis.
Au final, sur ce point « vie pro / vie perso », je considère là encore que notre société a tort d’essayer de valoriser telle ou telle posture. Devrait-on culpabiliser de quitter son bureau à 18h pour pouvoir dîner en famille ? Et inversement, devrait-on faire profil bas quand on dit que non, le congé parental « papa », ce n’est pas pour moi ? Je ne le pense pas.
Pour ma part, je crois à une société de la liberté et du bon sens. De la liberté d’organiser son travail comme on l’entend, du moment qu’on tient ses objectifs. Ce qui permettrait aux cadres de vraiment pouvoir concilier vie pro et vie perso selon LEUR rythme et LEURS aspirations. Et du bon sens car entre le « workaholism » qui nous pousse à jouer la comédie de l’esclave au bureau qui doit en plus sourire de son sort, et l’égalitarisme forcené qui, in fine, risque de mettre nos femmes / épouses / conjointes dans la même situation que nous aujourd’hui, mon cœur ne balance pas.
L’éducation : autoritarisme vs laxisme
Dernier point que je souhaite aborder : celui de l’éducation des enfants. Sujet au combien sensible sur lequel je considère important ce petit préambule : avec ma femme, nous avons choisi un mode d’éducation « bienveillant » , comme peut le présenter Isabelle Filliozat dans ses livres et conférences. Les neurosciences ont fait des progrès fantastiques ces dernières années, et ont démontré l’efficacité de l’éducation bienveillante par rapport notamment à certaines méthodes d’éducation traditionnelles. Ainsi, par exemple, non, laisser pleurer un bébé en pensant qu’il finira bien par s’arrêter ne « fonctionne pas. Car si le bébé va effectivement s’arrêter de pleurer, lassé de voir que personne ne vient l’aider, il ne va pas développer une « compétence à long terme » d’adaptation à la solitude par exemple. Au contraire, ce type de situation crée une situation de stress qui impacte son cerveau et son développement psychique dans le domaine. En bref (et en caricaturant un peu), OK tu dormiras peut être mieux sur le moment, mais ton enfant risque d’avoir moins confiance en lui à long terme… Douteux comme efficacité de la méthode, non ?
Bref, introduction importante pour dire que là encore, difficile pour les papas que nous sommes de jongler entre l’injonction à rester le « pater familias », garant ultime de l’autorité familiale, bras armé de la sanction qui doit nécessairement tomber quand l’enfant sort du droit chemin… et l’injonction à être le papa « meilleur copain cool et confident » qu’on veut nous vendre parfois.
Les tenants des « bonnes vieilles méthodes » mettent toujours en avant le fait que très souvent, nous l’avons tous supportés sans traumatismes majeurs dans la grande majorité des cas. Ce qui n’est pas faux… mais ce qui ne veut pas dire que c’est LA « meilleure » méthode (si tant est qu’il existe une méthode d’éducation, ce dont je doute). Ce n’est pas parce qu’on n’est pas mauvais qu’on est forcément le meilleur.
De l’autre côté de l’échiquier éducatif, on trouve un petit groupe de parents qui ont poussé le concept de bienveillance dans un extrême qui confine au laxisme… et qui font parfois preuve de fort peu de bienveillance envers ceux qui ne sont pas totalement d’accords avec eux. Il confondent parfois trop souvent bienveillance et laxisme, éducation positive et absence de cadre. Le moteur de l’éducation bienveillante doit être l’amour profond et réel pour nos enfants, ainsi que la volonté absolue de les aider à exploiter tout leur potentiel de vie pour qu’ils soient heureux. Cela ne veut pas dire souscrire à tous leurs désirs !
Là encore, je suis convaincu que c’est une voie médiane qui est nécessaire. Non, à l’aune de nos connaissances scientifiques, on ne doit plus éduquer (ni instruire, à l’école, d’ailleurs !) nos enfants aujourd’hui comme il y a 50 ans. Et non, l’éducation positive et bienveillante ne doit pas non plus nous pousser à ne plus assumer notre responsabilité de parents qui est aussi de cadrer voire recadrer nos enfants.
Et vous, pensez vous que les papas d’aujourd’hui subissent moults injonctions contradictoires ? En voyez vous d’autres ? Vous avez la parole !
Leonetti
Antoine de St E upérise : « le véritable enseignement n’est pas de te parler mais de te conduire »!
Leonetti
Saint Exupery !!!