Aujourd’hui, ma fille de 4 ans regarde avec insistance mes cheveux et me dit “tu as des cheveux blancs papa ! Pourquoi ?”. Bienveillant, je lui réponds “Oui ma fille, c’est parce que je vieillis, c’est la vie”. Et j’ai senti que cette réponse générait plus de questions dans sa petite tête pleine d’idées… Je lui demande alors si quelques chose ne va pas, et la petite me dit, l’air inquiet “mais tu vas pas mourir bientôt ?”.
Petit coup de massue, qui t’oblige à gérer un sujet pas simple à un moment où tu ne t’y attendais pas !
J’ai voulu m’en tenir à ma “ligne de conduite éducative” à savoir tenir un discours de vérité, même à un jeune enfant, en essayant évidemment de m’adapter à la sensibilité propre de ma fille.
Je lui ai répondu que non, je n’allais évidemment pas mourir bientôt. Que dire que l’on vieillit ne veut pas dire qu’on est tout de suite vieux. Et qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète à ce sujet. Ce sur quoi elle a rebondit elle même en disant qu’on est vieux dans très très longtemps et est repartie à rire dans un jeu avec moi.
Pas facile en tout cas d’aborder le sujet de la mort avec de si jeunes enfants… Alors ma fille est très curieuse et assez mature pour son âge, ce qui est très appréciable pour aborder des sujets compliqués ou délicats, elle n’en reste pas moins une enfant de 4 ans pour qui le concept de la mort est loin d’être facile. En outre, notre contexte familial est particulier puisqu’il y a 2 ans, nous avons été confronté au décès assez jeune de ma belle mère qui a confronté la petite à l’absence d’une personne qu’elle côtoyait très souvent et donc à cette question de la mort. Par la suite, nous avons souhaité qu’elle nous accompagne régulièrement au cimetière, car nous ne voulions pas cacher le sujet, faire comme si, source de trop de secrets de familles et de tabous que les enfants savent percer (ce fut mon cas plus jeune).
Ma fille a donc, c’est vrai, une compréhension de la question de la mort plus fine que les enfants “normaux” de son âge. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit facile de traiter le sujet et de répondre à ses interrogations. En effet, dans ce cas, on peut vite oublier qu’elle est encore vraiment petite et aller trop loin dans les explications, et la confronter à des problèmes trop difficiles à gérer émotionnellement.
Entre le déni et la vérité brute, le curseur n’est pas toujours facile à placer !
Quand nous avons vécu notre drame familial, nous avons très vite senti que le déni n’était satisfaisant ni pour nous, ni pour elle. Nous avions un peu lu sur le sujet qui nous ont conforté dans le fait qu’il fallait éviter cette posture qui est une solution de facilité ou un moyen de se protéger pour les adultes.
Il y a ensuite le dilemme du discours “réaliste” ou “métaphorique”. Doit on parler du “ciel” pour expliquer l’endroit ou la personne est “partie” ? Ou au contraire, parler de la mort, du cimetière etc. Idem, nous avions lu qu’un discours trop métaphorique pouvait être perturbant. Le concept de “partir” implique pour l’enfant le concept de “revenir” (ce sur quoi on passe quand même pas mal de temps à les rassurer dès qu’on veut prendre 5 minutes pour, au choix, prendre sa douche, répondre à un coup de fil ou aller aux toilettes !). Et le “ciel” est pour eux une réalité “physique” et non un concept. Nous avons donc décidé de jouer plutôt la carte réaliste, tout en évitant de rentrer dans des détails inutiles ou qu’elle ne pourrait pas comprendre.
Car rapidement, le sujet clé tient au côté “irréversible” de la mort. “Mais elle revient quand ?”. Question si difficile à laquelle répondre, en tant qu’adulte confronté au deuil et face à un petit être qui, au fond, réalise qu’il peut y avoir des pertes immuables, irréversibles, définitives. Nous avons donc là opté pour une conceptualisation un peu plus onirique, en expliquant que la personne restait dans nos coeurs, dans nos pensées. Nous l’avons invité à faire un dessin que nous pourrions apporter au cimetière. Une manière aussi de préserver le souvenir pour tous.
C’est donc un sujet tout de même assez compliqué, qui nous confronte à nos propres peurs de la mort, et qui nous met face à nos responsabilités de parents. Responsabilité de décider la manière dont nous voulons que nos enfants “digèrent” ce sujet. Lourde tâche ! Cela pose aussi la question de notre propre mort, et donc la capacité de nos enfants à vivre sans nous. Or, il est clair que nous vivons dans des sociétés qui occultent vraiment cette question de la mort. Certes, on voit nombre de films et séries avec moults morts plus ou moins vivants 🙂 Mais la vraie confrontation à la mort, la question du deuil dans une famille, la douleur de la perte d’un être cher : autant de sujets devenus quasi tabous (et dont, d’ailleurs, notre système technophile voudrait nous débarrasser quand on voit les délires transhumanistes visant à nous rendre quasi immortels). Avec ma femme, nous avions d’ailleurs été frappé de voir la différence de traitement de ce sujet en Pologne, où nous avions passé la Toussaint. Là bas, pendant 2 jours, les cimetières sont bondés, on y va en famille mettre des bougies et se souvenir collectivement du défunt. Et on place même des bougies sur les tombes de ceux qui n’ont pas / plus de famille. Eh bien nous avons trouvé ça beau. Visuellement car tous ces photophores placés dans le cimetière, la nuit tombée, donnaient un caractère à la fois solennel et doux à ce moment. Et “psychologiquement” car cela permet de ne pas faire comme si la mort, cet aspect incontournable de la vie !, n’existait pas. Au contraire, nous devons y faire face, nous y préparer, l’affronter et ne pas vivre dans le déni pour finalement réellement vivre.
Comme le disait si bien Woody Allen : “La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible”. Alors autant l’accepter et faire en sorte que nos enfants le comprennent et l’acceptent. Dès qu’ils en sont capables.
Photo credit: Neil. Moralee via Foter.com / CC BY-NC-ND
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Leonetti
La vie n’est pas une maladie !! Pas plus que La mort d’ailleurs !! ?
L’une ne peut exister sans l’autre !
Bon anniversaire quand même
M Anne