Que ne fut pas ma surprise ce mardi 13 février dernier lorsque j’essayais de prendre une réservation au restaurant pour le soir de la Saint-Valentin. Bon, outre ceux qui sont en fermeture annuelle (on est à la campagne en saison creuse), et ceux qui étaient pleins (logique, les autres étant fermés), je finis par trouver un restaurant d’une petite bourgade de la Nièvre près à nous accueillir le lendemain pour la Saint-Valentin. Et au moment de réserver, je demande très naïvement :
– « Et vous pourrez prévoir une chaise haute ? »
Et la réponse de tomber :
– « ah non désolé monsieur, je ne peux pas prendre de bébé. J’aurai plein de petits couples, c’est pas possible… »
Bon… ben au revoir madame.
Je dois vous dire que j’étais un peu assommé. Non pas que je sois surpris, mais je n’y avais juste pas pensé : effectivement, le soir de la Saint-Valentin, ce n’est que pour les couples bon sang de bonsoir. En fait je n’en voulais même pas à cette jeune femme, qui voulait optimiser son chiffre de la soirée et répondre aux attentes voire exigences de ses clients qui, par définition veulent une soirée en amoureux tranquillou (et ben oui pour le menu unique à 60 euros on a aussi un peu droit au calme), donc sans enfant.
Donc non je n’en voulais pas à cette restauratrice, et à sa place peut-être aurais-je dit la même chose.
J’en voulais juste (et j’en veux encore) à cette société pourrie, à ses valeurs pourries, à son hypocrisie pourrie.
Société pourrie ? Oui, parce que j’entends sincèrement déjà les plaintes des autres clients au moindre pleur au cas où on aurait emmené notre têtard de 10 mois au restaurant avec nous ; « on n’a pas emmené nos enfants, ce n’est pas pour nous taper les enfants des autres » ; « un enfant de cet âge, c’est censé dormir à cette heure-là » ; « j’ai pas payé 120 euros pour me taper des pleurs de bébé ». Certes, c’est un peu du procès d’intention étant donné que cela n’est pas arrivé, mais c’est tout de même la raison pour laquelle on a refusé mon fils : pour ne pas déranger tous « les petits couples » (sic). Donc j’assume complètement l’idée qu’une société où on considère de fait la présence d’enfants comme une nuisance par définition car elle est une nuisance pour le confort des autres et pour le business est une société de merde.
Valeurs pourries ? Complètement. Parce que dans l’affaire qu’est-ce qui prime ? Le confort d’égoïsme des uns, et le business des autres, le pognon étant la clé de voûte de tout cet édifice. Ben oui, après tout ils paient (surtout que bon on profite même de l’événement pour faire payer plus cher), ne les dérangeons surtout pas. Et si je reconnais que j’ai été très naïf, à la limite de la négligence, je ne le suis pas au point de croire que la Saint-Valentin est LA vraie fête des amoureux mais juste une opportunité supplémentaire pour faire consommer les gens et se faire du pognon sur leur dos entre le resto, les fleurs et la nounou (et potentiellement les dessous sexy au cas où resto se passe bien… mais ceci est une autre histoire).
Hypocrisie pourrie ? On nous fait croire à longueur de journée que l’enfant est notre avenir, qu’il est au centre du système éducatif, que tout ce qui importe dans la vie est de lui donner de l’amour etc. Alors qu’en réalité le système le ramène vite à sa place quand il devient une menace potentielle pour le business : chez lui, dans son lit.
Et là où le bât blesse, c’est que cela arrive très souvent.
Un enfant, ça n’a pas de pouvoir d’achat, donc ça consomme peu (ça a juste un pouvoir d’influence envers les décideurs) ; c’est imprévisible, ça change d’avis tout le temps, c’est lent, c’est bruyant, et comble de tout : ça demande du temps, de l’énergie, de l’amour et de l’attention pour être heureux, que des choses qui ne s’achètent pas. En plus maintenant on sait que ça génère beaucoup d’émissions de carbone ! Donc un enfant est par essence le plus grand ennemi de la société capitaliste car il est un obstacle au dessein de ce système : faire des gens des travailleurs dévoués et dociles, et des consommateurs compulsifs. C’est pourquoi tout est mis en œuvre pour les corrompre à coup d’écrans et de McDonalds (mais cela est aussi une autre histoire), à défaut de pouvoir les exclure pour toujours.
Or dans mon système de valeur, je trouve qu’on est tombé bien bas en refusant les enfants dans les restaurants le soir des la fête des amoureux, alors que l’enfant est de fait le résultat le plus tangible, même prodigieux de l’acte d’amour entre un homme et une femme.
Avons-nous pour autant renoncé à avoir aussi des soirées à deux, ma femme et moi ? Bien sûr que non. Mais ce que nous refusons, c’est que cette démarche soit déterminée par la volonté d’exclure notre fils, de passer une soirée sans lui, bref qu’elle soit déterminée par le diktat de la société actuelle qui estime que ton droit au divertissement et au loisir récréatif outrepasse les demandes d’attention de ton enfant à son égard.
Nous sommes donc restés à la maison le soir de la Saint Valentin, et nous avons passé une soirée très agréable bien que très humble ; à finir quelques restes dans le frigo et en se prenant un petit apéritif (juste tous les deux en effet pour l’apéro!), et en prenant conscience de ce bonheur qu’est celui de passer cette fête des amoureux avec notre fils, lui qui est le plus beau témoin de cet amour qui nous unit ma femme et moi.
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